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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/167

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télémaque.

abandonneraient la vertu pour les obtenir par de mauvaises industries. Ils deviendraient comme un homme qui a de bonnes jambes, et qui perdant l’habitude de marcher s’accoutume enfin au besoin d’être toujours porté comme un malade. Pour la navigation, ils l’admirent à cause de l’industrie de cet art ; mais ils croient que c’est un art pernicieux. Si ces gens-là, disent-ils, ont suffisamment en leur pays ce qui est nécessaire à la vie, que vont-ils chercher en un autre ? Ce qui suffit aux besoins de la nature ne leur suffit-il pas ? Ils mériteraient de faire naufrage, puisqu’ils cherchent la mort au milieu des tempêtes, pour assouvir l’avarice des marchands, et pour flatter les passions des autres hommes.

Télémaque était ravi d’entendre ces discours d’Adoam, et il se réjouissait qu’il y eût encore au monde un peuple, qui, suivant la droite nature, fût si sage et si heureux tout ensemble. Oh ! combien ces mœurs, disait-il, sont-elles éloignées des mœurs vaines et ambitieuses des peuples qu’on croit les plus sages ! nous sommes tellement gâtés, qu’à peine pouvons-nous croire que cette simplicité si naturelle puisse être véritable. Nous regardons les mœurs de ce peuple comme une belle fable, et il doit regarder les nôtres comme un songe monstrueux.

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