Aller au contenu

Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
TÉLÉMAQUE.

menses ne leur paraissent que comme des gouttes d’eau dont ce morceau de boue est un peu détrempé : les plus grands royaumes ne sont à leurs yeux qu’un peu de sable qui couvre la surface de cette boue ; les peuples innombrables et les plus puissantes armées ne sont que comme des fourmis qui se disputent les unes aux autres un brin d’herbe sur ce morceau de boue. Les immortels rient des affaires les plus sérieuses qui agitent tes faibles mortels, et elles leur paraissent des jeux d’enfants. Ce que les hommes appellent grandeur, gloire, puissance, profonde politique, ne paraît à ces suprêmes divinités que misère et faiblesse.

C’est dans cette demeure, si élevée au-dessus de la terre, que Jupiter a posé son trône immobile : ses yeux percent jusque dans l’abîme, et éclairent jusque dans les derniers replis des cœurs : ses regards doux et sereins répandent le calme et la joie dans tout l’univers. Au contraire, quand il secoue sa chevelure, il ébranle le ciel et la terre. Les dieux mêmes, éblouis des rayons de gloire qui l’environnent, ne s’en approchent qu’avec tremblement.

Toutes les divinités célestes étaient dans ce moment auprès de lui. Vénus se présenta avec tous les charmes qui naissent dans son sein ; sa robe flottante avait plus d’éclat que toutes les couleurs dont Iris se pare au milieu des sombres nuages, quand elle vient promettre aux mortels effrayés la fin des tempêtes, et leur annoncer le retour du beau temps. Sa robe était nouée par cette fameuse ceinture sur laquelle paraissent les grâces ; les cheveux de la déesse étaient attachés par derrière négligemment avec une tresse d’or. Tous les dieux furent surpris de sa beauté, comme s’ils ne l’eussent jamais vue ; et leurs yeux en fu-