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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/188

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LIVRE ix.

flamme et le fer au milieu des Troyens ; et c’est à ses mains qu’on doit la chute de ces hautes et superbes tours, qui menacèrent, pendant dix ans, toute la Grèce conjurée. Autant que Minerve est au-dessus de Mars, autant une valeur discrète et prévoyante surpasse-t-elle un courage bouillant et farouche. Commençons donc par nous instruire des circonstances de cette guerre qu’il faut soutenir. Je ne refuse aucun péril : mais je crois, ô Idoménée, que vous devez nous expliquer premièrement si votre guerre est juste ; ensuite, contre qui vous la faites, et enfin, quelles sont vos forces pour en espérer un heureux succès.

Idoménée lui répondit : Quand nous arrivâmes sur cette côte, nous y trouvâmes un peuple sauvage qui errait dans les forêts, vivant de sa chasse et des fruits que les arbres portent d’eux-mêmes. Ces peuples, qu’on nomme les Manduriens, furent épouvantés, voyant nos vaisseaux et nos armes ; ils se retirèrent dans les montagnes. Mais comme nos soldats furent curieux de voir le pays, et voulurent poursuite des cerfs, ils rencontrèrent ces sauvages fugitifs. Alors les chefs de ces sauvages leur dirent : Nous avons abandonné les doux rivages de la mer pour vous les céder ; il ne nous reste que des montagnes presque inaccessibles, du moins est-il juste que vous nous y laissiez en paix et en liberté. Nous vous trouvons errants, dispersés, et plus faibles que nous ; il ne tiendrait qu’à nous de vous égorger, et d’ôter même à vos compagnons la connaissance de votre malheur : mais nous ne voulons point tremper nos mains dans le sang de ceux qui sont hommes aussi bien que nous. Allez ; souvenez-vous que vous devez la vie à nos sentiments d’humanité. N’oubliez jamais que c’est d’un peuple que vous nommez grossier et sauvage,