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LIVRE ix.

qui viennent assiéger Salente ! Les vieillards et les femmes paraissaient consternés. Hélas ! disaient-ils, fallait-il quitter notre chère patrie, la fertile Crète, et suivre un roi malheureux au travers de tant de mers, pour fonder une ville qui sera mise en cendres comme Troie ! On voyait de dessus les murailles nouvellement bâties, dans la vaste campagne, briller au soleil les casques, les cuirasses et les boucliers des ennemis ; les yeux en étaient éblouis. On voyait aussi les piques hérissées qui couvraient la terre, comme elle est couverte par une abondante moisson que Cérès prépare dans les campagnes d’Enna en Sicile, pendant les chaleurs de l’été, pour récompenser le laboureur de toutes ses peines. Déjà on remarquait les chariots armés de faux tranchantes ; on distinguait facilement chaque peuple venu à cette guerre.

Mentor monta sur une haute tour pour les mieux découvrir. Idoménée et Télémaque le suivirent de près. À peine y fut-il arrivé, qu’il aperçut d’un côté Philoctète, et de l’autre Nestor avec Pisistrate son fils. Nestor était facile à reconnaître à sa vieillesse vénérable. Quoi donc ! s’écria Mentor, vous avez cru, ô Idoménée, que Philoctète et Nestor se contentaient de ne vous point secourir ; les voilà qui ont pris les armes contre vous ; et, si je ne me trompe, ces autres troupes qui marchent en si bon ordre, avec tant de lenteur, sont les troupes lacédémoniennes, commandées par Phalante. Tout est contre vous ; il n’y a aucun voisin de cette côte, dont vous n’ayez fait un ennemi, sans vouloir le faire.

En disant ces paroles, Mentor descend à la hâte de cette tour ; il s’avance vers une porte de la ville du côté par où les ennemis s’avançaient : il la fait ouvrir ; et Idoménée, surpris de la majesté avec laquelle il fait ces choses, n’ose