Aller au contenu

Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
182
TÉLÉMAQUE.

pas même lui demander quel est son dessein. Mentor fait signe de la main, afin que personne ne songe à le suivre. Il va au-devant des ennemis, étonnés de voir un seul homme qui se présente à eux. Il leur montra de loin une branche d’olivier en signe de paix ; et, quand il fût à portée de se faire entendre, il leur demanda d’assembler tous les chefs. Aussitôt les chefs s’assemblèrent ; et il parla ainsi :

Ô hommes généreux, assemblés de tant de nations qui fleurissent dans la riche Hespérie, je sais que vous n’êtes venus ici que pour l’intérêt commun de la liberté. Je loue votre zèle ; mais souffrez que je vous représente un moyen facile de conserver la liberté et la gloire de tous vos peuples, sans répandre le sang humain. Ô Nestor, sage Nestor, que j’aperçois dans cette assemblée, vous n’ignorez pas combien la guerre est funeste à ceux mêmes qui l’entreprennent avec la justice, et sous la protection des dieux. La guerre est le plus grand des maux dont les dieux affligent les hommes. Vous n’oublierez jamais ce que les Grecs ont souffert pendant dix ans devant la malheureuse Troie. Quelles divisions entre les chefs ! quels caprices de la fortune ! quels carnages des Grecs par la main d’Hector ! quels malheurs dans toutes les villes les plus puissantes, causés par la guerre, pendant la longue absence de leurs rois ! Au retour, les uns ont fait naufrage au promontoire de Capharée ; les autres ont trouvé une mort funeste dans le sein même de leurs épouses. Ô dieux, c’est dans votre colère que vous armâtes les Grecs pour cette éclatante expédition ! Ô peuples hespériens ! je prie les dieux de ne vous donner jamais une victoire si funeste. Troie est en cendres, il est vrai ; mais il vaudrait mieux, pour les Grecs, qu’elle fût encore