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LIVRE ix.

Mentor qu’il a sacrifié son fils à l’ambition du nouveau roi de Salente. Avec ce gage, qui est venu de lui-même s’offrir, et que les dieux, amateurs de la paix, vous envoient, je commence, ô peuples assemblés de tant de nations, à vous faire des propositions pour établir à jamais une paix solide.

À ce nom de paix, on entend un bruit confus de rang en rang. Toutes ces différentes nations frémissaient de courroux, et croyaient perdre tout le temps où l’on retardait le combat ; ils s’imaginaient qu’on ne faisait tous ces discours que pour ralentir leur fureur, et pour faire échapper leur proie. Surtout les Manduriens souffraient impatiemment qu’Idoménée espérât de les tromper encore une fois. Souvent ils entreprirent d’interrompre Mentor ; car ils craignaient que ses discours pleins de sagesse ne détachassent leurs alliés. Ils commençaient à se défier de tous les Grecs qui étaient dans l’assemblée. Mentor, qui l’aperçut, se hâta d’augmenter cette défiance, pour jeter la division dans les esprits de tous ces peuples.

J’avoue, disait-il, que les Manduriens ont sujet de se plaindre et de demander quelque réparation des torts qu’ils ont soufferts ; mais il n’est pas juste aussi que les Grecs, qui font sur cette côte des colonies, soient suspects et odieux aux anciens peuples du pays. Au contraire, les Grecs doivent être unis entre eux, et se faire bien traiter par les autres ; il faut seulement qu’ils soient modérés, et qu’ils n’entreprennent jamais d’usurper les terres de leurs voisins. Je sais qu’Idoménée a eu le malheur de vous donner des ombrages ; mais il est aisé de guérir toutes vos défiances. Télémaque et moi, nous nous offrons à être des otages qui vous répondent de la bonne foi d’Idoménée. Nous demeurerons entre vos mains jusqu’à ce que les