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TÉLÉMAQUE.

ménée qui le croit à ses côtés, s’étonne de le voir qui court au milieu de la campagne, et qui est déjà auprès de Nestor. Nestor le reconnaît, et se hâte, mais d’un pas pesant et tardif, de l’aller recevoir. Télémaque saute à son cou, et le tient serré entre ses bras sans parler. Enfin il s’écrie : Ô mon père ! je ne crains pas de vous nommer ainsi : le malheur de ne trouver point mon véritable père, et les bontés que vous m’avez fait sentir, me donnent le droit de me servir d’un nom si tendre : mon père, mon cher père, je vous revois ! ainsi puissé-je voir Ulysse ! Si quelque chose pouvait me consoler d’en être privé, ce serait de trouver en vous un autre lui-même.

Nestor ne put, à ces paroles, retenir ses larmes : et il fut touché d’une secrète joie, voyant celles qui coulaient avec une merveilleuse grâce sur les joues de Télémaque. La beauté, la douceur, et la noble assurance de ce jeune inconnu, qui traversait sans précaution tant de troupes ennemies, étonna tous les alliés. N’est-ce pas, disaient-ils, le fils de ce vieillard qui est venu parler à Nestor ? Sans doute, c’est la même sagesse dans les deux âges les plus opposés de la vie. Dans l’un elle ne fait encore que fleurir, dans l’autre, elle porte avec abondance les fruits les plus mûrs.

Mentor, qui avait pris plaisir à voir la tendresse avec laquelle Nestor venait de recevoir Télémaque, profita de cette heureuse disposition. Voilà ! lui dit-il, le fils d’Ulysse, si cher à toute la Grèce, et si cher à vous-même, ô sage Nestor ! le voilà, je vous le livre comme un otage, et comme le gage le plus précieux qu’on puisse vous donner de la fidélité des promesses d’Idoménée. Vous jugez bien que je ne voudrais pas que la perte du fils suivît celle du père, et que la malheureuse Pénélope pût reprocher à