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TÉLÉMAQUE.

Idoménée comprit bien qu’il avait eu tort de laisser les habitants de sa nouvelle ville amollir et corrompre leurs mœurs, en violant toutes les lois de Minos sur la sobriété ; mais le sage Mentor lui fit remarquer que les lois mêmes, quoique renouvelées, seraient inutiles, si l’exemple du roi ne leur donnait une autorité qui ne pouvait venir d’ailleurs. Aussitôt Idoménée régla sa table, où il n’admit que du pain excellent, de vin du pays, qui est fort et agréable, mais en fort petite quantité, avec des viandes simples, telles qu’il en mangeait avec les autres Grecs au siège de Troie. Personne n’osa se plaindre d’une règle que le roi s’imposait lui-même ; et chacun se corrigea de la profusion et de la délicatesse où l’on commençait à se plonger pour les repas.

Mentor retrancha ensuite la musique molle et efféminée qui corrompait toute la jeunesse. Il ne condamna pas avec une moindre sévérité la musique bachique, qui n’enivre guère moins que le vin, et qui produit des mœurs pleines d’emportement et d’impudence. Il borna toute la musique aux fêtes dans les temples, pour y chanter les louanges des dieux et des héros qui ont donné l’exemple des plus rares vertus. Il ne permit aussi que pour les temples les grands ornements d’architecture, tels que les colonnes, les frontons, les portiques ; il donna des modèles d’une architecture simple et gracieuse, pour faire, dans un médiocre espace, une maison gaie et commode pour une famille nombreuse, en sorte qu’elle fût tournée à un aspect sain, que les logements en fussent dégagés les uns des autres, que l’ordre et la propreté s’y conservassent facilement, et que l’entretien fût de peu de dépense.

Il voulut que chaque maison un peu considérable eût un salon et un petit péristyle, avec de petites chambres pour toutes les personnes libres. Mais il défendit très-sé-