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TÉLÉMAQUE.

tous auront des terres, mais chacun en aura fort peu, et sera excité par là à la bien cultiver. Si, dans une longue suite de temps, les terres manquaient ici, on ferait des colonies, qui augmenteraient la puissance de cet État.

Je crois même que vous devez prendre garde à ne laisser jamais le vin devenir trop commun dans votre royaume. Si on a planté trop de vignes, il faut qu’on les arrache : le vin est la source des plus grands maux parmi les peuples ; il cause les maladies, les querelles, les séditions, l’oisiveté, le dégoût du travail, le désordre des familles. Que le vin soit donc réservé comme une espèce de remède, ou comme une liqueur très-rare, qui n’est employée que pour les sacrifices, ou pour les fêtes extraordinaires. Mais n’espérez point de faire observer une règle si importante, si vous n’en donnez vous-même l’exemple.

D’ailleurs, il faut faire garder inviolablement les lois de Minos pour l’éducation des enfants. Il faut établir des écoles publiques, où l’on enseigne la crainte des dieux, l’amour de la patrie, le respect des lois, la préférence de l’honneur aux plaisirs, et à la vie même. Il faut avoir des magistrats qui veillent sur les familles et sur les mœurs des particuliers. Veillez vous-même, vous qui n’êtes roi, c’est-à-dire pasteur du peuple, que pour veiller nuit et jour sur votre troupeau : par là vous préviendrez un nombre infini de désordres et de crimes ; ceux que vous ne pourrez prévenir, punissez-les d’abord sévèrement. C’est une clémence, que de faire d’abord des exemples qui arrêtent le cours de l’iniquité. Par un peu de sang répandu à propos, on en épargne beaucoup pour la suite, et on se met en état d’être craint, sans user souvent de rigueur.

Mais quelle détestable maxime, que de ne croire trouver sa sûreté que dans l’oppression de ses peuples ! Ne les point