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LIVRE x.

peuples, et de montrer à tous les siècles, dans son règne, un si charmant spectacle ! La terre entière, loin de se défendre de sa puissance par des combats, viendrait à ses pieds le prier de régner sur elle.

Idoménée lui répondit : Mais quand les peuples seront ainsi dans la paix et dans l’abondance, les délices les corrompront, et ils tourneront contre moi les forces que je leur aurai données.

Ne craignez point, dit Mentor, cet inconvénient ; c’est un prétexte qu’on allègue toujours pour flatter les princes prodigues qui veulent accabler leurs peuples d’impôts. Le remède est facile. Les lois que nous venons d’établir pour l’agriculture rendront leur vie laborieuse ; et, dans leur abondance, ils n’auront que le nécessaire, parce que nous retranchons tous les arts qui fournissent le superflu. Cette abondance même sera diminuée par la facilité des mariages et par la grande multiplication des familles. Chaque famille, étant nombreuse, et ayant peu de terre, aura besoin de la cultiver par un travail sans relâche. C’est la mollesse et l’oisiveté qui rendent les peuples insolents et rebelles. Ils auront du pain, à la vérité, et assez largement ; mais ils n’auront que du pain, et des fruits de leur propre terre, gagnés à la sueur de leur visage.

Pour tenir votre peuple dans cette modération, il faut régler, dès à présent, l’étendue de terre que chaque famille pourra posséder. Vous savez que nous avons divisé tout votre peuple en sept classes, suivant les différentes conditions : il ne faut permettre à chaque famille, dans chaque classe, de pouvoir posséder que retendue de terre absolument nécessaire pour nourrir le nombre de personnes dont elle sera composée. Cette règle étant inviolable, les nobles ne pourront point faire des acquisitions sur les pauvres ;