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TÉLÉMAQUE.

avec une incroyable diligence, à l’embouchure du Galèse ; puis il remonta très-promptement le long du fleuve. Ceux qui étaient dans les postes avancés autour du camp, vers la rivière, crurent que ces vaisseaux leur amenaient les troupes qu’on attendait ; on poussa d’abord de grands cris de joie. Adraste et ses soldats descendirent avant qu’on pût les reconnaître : ils tombent sur les alliés, qui ne se défient de rien, ils les trouvent dans un camp tout ouvert, sans ordre sans chefs, sans armes.

Le côté du camp qu’il attaqua d’abord fut celui des Tarentins, où commandait Phalante. Les Dauniens y entrèrent avec tant de vigueur, que cette jeunesse lacédémonienne, étant surprise, ne put résister. Pendant qu’ils cherchent leurs armes, et qu’ils s’embarrassent les uns les autres dans cette confusion, Adraste fait mettre le feu au camp. Aussitôt la flamme s’élève des pavillons, et monte jusqu’aux nues : le bruit du feu est semblable à celui d’un torrent qui inonde toute une campagne, et qui entraîne par sa rapidité les grands chênes avec leurs profondes racines, les moissons, les granges, les étables et les troupeaux. Le vent pousse impétueusement la flamme de pavillon en pavillon, et bientôt tout le camp est comme une vieille forêt qu’une étincelle de feu a embrasée.

Phalante, qui voit le péril de plus près qu’un autre, ne peut y remédier. Il comprend que toutes les troupes vont périr dans cet incendie, si on ne se hâte d’abandonner le camp ; mais il comprend aussi combien le désordre de cette retraite est à craindre devant un ennemi victorieux : il commence à faire sortir sa jeunesse lacédémonienne encore à demi désarmée. Mais Adraste ne les laisse point respirer : d’un côté une troupe d’archers adroits perce de flèches innombrables les soldats de Phalante, de l’autre,