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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/342

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LIVRE xiv.

qua beaucoup d’impies hypocrites, qui, faisant semblant d’aimer la religion, s’en étaient servis comme d’un beau prétexte pour contenter leur ambition, et pour se jouer des hommes crédules : ces hommes, qui avaient abusé de la vertu même, quoiqu’elle soit le plus grand des dieux, étaient punis comme les plus scélérats de tous les hommes. Les enfants qui avaient égorgé leurs pères et leurs mères, les épouses qui avaient trempé leurs mains dans le sang de leurs époux, les traîtres qui avaient livré leurs patries après avoir violé tous les serments, souffraient des peines moins cruelles que ces hypocrites. Les trois juges des enfers l’avaient ainsi voulu ; et voici leur raison ; c’est que les hypocrites ne se contentent pas d’être méchants comme le reste des impies ; ils veulent encore passer pour bons, et font, par leur fausse vertu, que les hommes n’osent plus se fier à la véritable. Les dieux, dont ils se sont joués, et qu’ils ont rendus méprisables aux hommes, prennent plaisir à employer toute leur puissance pour se venger de leurs insultes.

Auprès de ceux-ci paraissaient d’autres hommes que le vulgaire ne croit guère coupables, et que la vengeance divine poursuit impitoyablement : ce sont les ingrats, les menteurs, les flatteurs qui ont loué le vice ; les critiques malins qui ont tâché de flétrir la plus pure vertu ; enfin, ceux qui ont jugé témérairement des choses sans les connaître à fond ; et qui, par là, ont nui à la réputation des innocents. Mais, parmi toutes les ingratitudes, celle qui était punie comme la plus noire, c’est celle où l’on tombe contre les dieux. Quoi donc ! disait Minos, on passe pour un monstre quand on manque de reconnaissance pour son père, ou pour son ami, de qui on a reçu quelque secours ; et on fait gloire d’être ingrat envers les dieux, de qui on