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TÉLÉMAQUE.

bords de l’Achéron, il demanda aux dieux d’apaiser leur colère, en payant, par sa mort, pour tant de milliers d’hommes innocents. Les dieux l’exaucèrent, et lui firent trouver ici la vraie royauté, dont toutes celles de la terre ne sont que de vaines ombres.

Ce vieillard, que tu vois couronné de fleurs, est le fameux Bélus : il régna en Égypte, et il épousa Anchinoé, fille du dieu Nilus, qui cache la source de ses eaux et qui enrichit les terres qu’il arrose par ses inondations. Il eut deux fils : Danaüs, dont tu sais l’histoire ; et Égyptus, qui donna son nom à ce beau royaume. Bélus se croyait plus riche par l’abondance où il mettait son peuple, et par l’amour de ses sujets pour lui, que par tous les tributs qu’il aurait pu leur imposer. Ces hommes, que tu crois morts, vivent, mon fils ; et c’est la vie qu’on traîne misérablement sur la terre qui n’est qu’une mort : les noms seulement sont changés. Plaise aux dieux de te rendre assez bon pour mériter cette vie heureuse, que rien ne peut plus finir, ni troubler ! Hâte-toi, il en est temps, d’aller chercher ton père. Avant que de le trouver, hélas ! que tu verras répandre de sang ! Mais quelle gloire t’attend dans les campagnes de l’Hespérie ! Souviens-toi des conseils du sage Mentor ; pourvu que tu les suives, ton nom sera grand parmi tous les peuples et dans tous les siècles.

Il dit ; et aussitôt il conduisit Télémaque vers la porte d’ivoire, par où l’on peut sortir du ténébreux empire de Pluton. Télémaque, les larmes aux yeux, le quitta sans pouvoir l’embrasser ; et, sortant de ces sombres lieux, il retourna en diligence vers le camp des alliés, après avoir rejoint, sur le chemin, les deux jeunes Crétois qui l’avaient accompagné jusques auprès de la caverne, et qui n’espéraient plus de le revoir.