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LIVRE xiv.

l’engagea à prendre leur ville. Cette conquête lui donna le désir d’en faire d’autres : il se laissa séduire par la vaine gloire des conquérants ; il subjugua, ou, pour mieux dire, il ravagea toute l’Asie. À son retour en Égypte, il trouva que son frère s’était emparé de la royauté, et avait altéré, par un gouvernement injuste, les meilleures lois du pays. Ainsi ses grandes conquêtes ne servirent qu’à troubler son royaume. Mais ce qui le rendit plus inexcusable, c’est qu’il fut enivré de sa propre gloire : il fit atteler à un char les plus superbes d’entre les rois qu’il avait vaincus. Dans la suite, il reconnut sa faute, et eut honte d’avoir été si inhumain. Tel fut le fruit de ses victoires. Voilà ce que les conquérants font contre leurs États et contre eux-mêmes, en voulant usurper ceux de leurs voisins. Voilà ce qui fit déchoir un roi d’ailleurs si juste et si bienfaisant ; et c’est ce qui diminue la gloire que les dieux lui avaient préparée.

Ne vois-tu pas cet autre, mon fils, dont la blessure paraît si éclatante ! C’est un roi de Carie, nommé Dioclides, qui se dévoua pour son peuple dans une bataille, parce que l’oracle avait dit que, dans la guerre des Cariens et des Lyciens, la nation dont le roi périrait serait victorieuse.

Considère cet autre ; c’est un sage législateur qui, ayant donné à sa nation des lois propres à les rendre bons et heureux, leur fit jurer qu’ils ne violeraient aucune de ces lois pendant son absence ; après quoi il partit, s’exila lui-même de sa patrie, et mourut pauvre dans une terre étrangère, pour obliger son peuple, par ce serment, à garder à jamais des lois si utiles.

Cet autre, que tu vois, est Eunésyme, roi des Pyliens, et un des ancêtres du sage Nestor. Dans une peste qui ravageait la terre, et qui couvrait de nouvelles ombres les