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TÉLÉMAQUE.

auxquels il avait fait mordre la poudre. Déjà il avait abattu Ctésilas, si léger à la course qu’à peine il imprimait la trace de ses pas dans le sable, et qu’il devançait en son pays les plus rapides flots de l’Eurotas et d’Alphée. À ses pieds étaient tombés Eutyphron, plus beau qu’Hylas, aussi ardent chasseur qu’Hippolyte ; Ptérélas, qui avait suivi Nestor au siège de Troie, et qu’Achille même avait aimé à cause de son courage et de sa force ; Aristogiton, qui, s’était baigné, disait-on, dans les ondes du fleuve Achéloüs, avait reçu secrètement de ce dieu la vertu de prendre toutes sortes de formes. En effet, il était si souple et si prompt dans tous ses mouvements, qu’il échappait aux mains les plus fortes : mais Adraste, d’un coup de lance, le rendit immobile, et son âme s’enfuit d’abord avec son sang.

Nestor, qui voyait tomber ses plus vaillants capitaines sous la main du cruel Adraste, comme les épis dorés, pendant la moisson, tombent sous la faux tranchante d’un infatigable moissonneur, oubliait le danger où il exposait inutilement sa vieillesse. Sa sagesse l’avait quitté ; il ne songeait plus qu’à suivre des yeux Pisistrate son fils, qui, de son côté, soutenait avec ardeur le combat, pour éloigner le péril de son père. Mais le moment fatal était venu où Pisistrate devait faire sentir à Nestor combien on est souvent malheureux d’avoir trop vécu.

Pisistrate porta un coup de lance si violent contre Adraste, que le Daunien devait succomber : mais il l’évita ; et pendant que Pisistrate, ébranlé du faux coup qu’il avait donné, ramenait sa lance, Adraste le perça d’un javelot au milieu du ventre. Ses entrailles commencèrent d’abord à sortir avec un ruisseau de sang ; son teint se flétrit comme une fleur que la main d’une Nymphe a cueillie