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TÉLÉMAQUE.

l’enlève de terre, et le renverse sur le sable. Alors cet impie, qui avait toujours méprisé les dieux, montre une lâche crainte de la mort ; il a honte de demander la vie, et il ne peut s’empêcher de témoigner qui la désire : il tâche d’émouvoir la compassion de Télémaque. Fils d’Ulysse, dit-il, enfin c’est maintenant que je connais les justes dieux ; ils me punissent comme je l’ai mérité : il n’y a que le malheur qui ouvre les yeux des hommes pour voir la vérité ; je la vois, elle me condamne. Mais qu’un roi malheureux vous fasse souvenir de votre père qui est loin d’Ithaque, et touche votre cœur.

Télémaque, qui, le tenant sous ses genoux, avait le glaive déjà levé pour lui percer la gorge, répondit aussitôt : Je n’ai voulu que la victoire et la paix des nations que je suis venu secourir ; je n’aime point à répandre le sang. Vivez donc, Ô Adraste ! mais vivez pour réparer vos fautes : rendez tout ce que vous avez usurpé ; rétablissez le calme et la justice sur la côte de la grande Hespérie, que vous avez souillée par tant de massacres et de trahisons : vivez et devenez un autre homme. Apprenez par votre chute, que les dieux sont justes ; que les méchants sont malheureux, qu’ils se trompent en cherchant la félicité dans la violence, dans l’inhumanité et dans le mensonge, et qu’enfin rien n’est si doux ni si heureux que la simple et constante vertu. Donnez-nous pour otage votre fils Métrodore, avec douze des principaux de votre nation.

À ces paroles, Télémaque laisse relever Adraste, et lui tend la main, sans se défier de sa mauvaise foi ; mais aussitôt Adraste lui lance un second dard fort court, qu’il tenait caché. Le dard était si aigu, et lancé avec tant d’adresse, qu’il eût percé les armes de Télémaque, si elles n’eussent été divines. En même temps, Adraste se jette