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LIVRE xvii.

en coûterait qu’un mot, mais ce mot lui-même vous coûterait trop cher. Voudriez-vous ôter aux pères et aux mères la liberté et la consolation de choisir leurs gendres, et par conséquent leurs héritiers ? Ce serait mettre toutes les familles dans le plus rigoureux esclavage ; vous vous rendiez responsable de tous les malheurs domestiques de vos citoyens. Les mariages ont assez d’épines, sans leur donner encore cette amertume. Si vous avez des serviteurs fidèles à récompenser, donnez-leur des terres incultes : ajoutez-y des rangs et des honneurs proportionnés à leur condition et à leurs services ; ajoutez-y, s’il le faut, quelque argent pris par vos épargnes sur les fonds destinés à votre dépense : mais ne payez jamais vos dettes en sacrifiant les filles riches malgré leur parenté.

Idoménée passa bientôt de cette question à une autre. Les Sybarites, disait-il, se plaignent de ce que nous avons usurpé des terres qui leur appartiennent, et de ce que nous les avons données, comme des champs à défricher, aux étrangers que nous avons attirés depuis peu ici. Céderai-je à ces peuples ? Si je le fais, chacun croira qu’il n’a qu’à former des prétentions sur nous. Il n’est pas juste, répondit Mentor, de croire les Sybarites dans leur propre cause ; mais il n’est pas juste aussi de vous croire dans la vôtre. Qui croirons-nous donc ? repartit Idoménée. Il ne faut croire, poursuivit Mentor, aucune des deux parties ; mais il faut prendre pour arbitre un peuple voisin qui ne soit suspect d’aucun côté ; tels sont les Sipontins ; ils n’ont aucun intérêt contraire aux vôtres.

Mais suis-je obligé, répondait Idoménée, à croire quelque arbitre ! ne suis-je pas roi ? Un souverain est-il obligé à se soumettre à des étrangers sur l’étendue de sa domination ? Mentor reprit ainsi le discours : Puisque vous voulez