Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/428

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
411
LIVRE xvii.

faisait entendre de loin, comme le bruit sourd des vents séditieux, quand Éole les rappelle dans son antre pour apaiser les tempêtes ; ses défenses, longues et crochues comme la faux tranchante des moissonneurs, coupaient le tronc des arbres. Tous les chiens qui osaient en approcher étaient déchirés ; les plus hardis chasseurs, en le poursuivant, craignaient de l’atteindre. Antiope, légère à la course comme les vents, ne craignit point de l’attaquer de près ; elle lui lance un trait qui le perce au-dessus de l’épaule. Le sang de l’animal farouche ruisselle, et le rend plus furieux ; il se tourne vers celle qui l’a blessé. Aussitôt le cheval d’Antiope, malgré sa fierté, frémit et recule ; le sanglier monstrueux s’élance contre lui semblable aux pesantes machines qui ébranlent les murailles des plus fortes villes. Le coursier chancelle, et est abattu : Antiope se voit par terre, hors d’état d’éviter le coup fatal de la défense du sanglier animé contre elle. Mais Télémaque, attentif au danger d’Antiope, était déjà descendu de cheval plus prompt que les éclairs ; il se jette entre le cheval abattu et le sanglier qui revient pour venger son sang ; il tient dans ses mains un long dard, et l’enfonce presque tout entier dans le flanc de l’horrible animal, qui tombe plein de rage.

À l’instant, Télémaque en coupe la hure, qui fait encore peur quand on la voit de près, et qui étonne tous les chasseurs. Il la présente à Antiope : elle en rougit ; elle consulte des yeux son père, qui, après avoir été saisi de frayeur, est transporté de joie de la voir hors du péril, et lui fait signe qu’elle doit accepter ce don. En le prenant, elle dit à Télémaque : Je reçois de vous avec reconnaissance un autre don plus grand, car je vous dois la vie. À peine eut-elle parlé, qu’elle craignit d’avoir trop dit ; elle baissa