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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/429

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TÉLÉMAQUE.

les yeux, et Télémaque, qui vit son embarras, n’osa lui dire que ces paroles : Heureux le fils d’Ulysse d’avoir conservé une vie si précieuse ! mais plus heureux encore s’il pouvait passer la sienne auprès de vous ! Antiope, sans lui répondre, rentra brusquement dans la troupe de ses jeunes compagnes, où elle remonta à cheval.

Idoménée aurait, dès ce moment, promis sa fille à Télémaque ; mais il espéra d’enflammer davantage sa passion en le laissant dans l’incertitude, et crut même le retenir encore à Salente par le désir d’assurer son mariage. Idoménée raisonnait ainsi en lui-même, mais les dieux se jouent de la sagesse des hommes. Ce qui devait retenir Télémaque fut précisément ce qui le pressa de partir : ce qu’il commençait à sentir le mit dans une juste défiance de lui-même. Mentor redoubla ses soins pour lui inspirer un désir impatient de s’en retourner à Ithaque ; et il pressa en même temps Idoménée de le laisser partir : le vaisseau était déjà prêt. Car Mentor, qui réglait tous les moments de la vie de Télémaque, pour l’élever à la plus haute gloire, ne l’arrêtait en chaque lieu qu’autant qu’il le fallait pour exercer sa vertu, et pour lui faire acquérir de l’expérience. Mentor avait eu soin de faire préparer le vaisseau dès l’arrivée de Télémaque.

Mais Idoménée, qui avait eu beaucoup de répugnance à le voir préparer, tomba dans une tristesse mortelle, et dans une désolation à faire pitié, lorsqu’il vit que ses deux hôtes, dont il avait tiré tant de secours, allaient l’abandonner. Il se renfermait dans les lieux les plus secrets de sa maison : là il soulageait son cœur en poussant des gémissements et en versant des larmes ; il oubliait le besoin de se nourrir : le sommeil n’adoucissait plus ses cuisantes peines ; Il se desséchait, il se consumait, par ses