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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/432

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LIVRE xvii.

portent toute leur vie. Ils sont jaloux de ne paraître point gouvernés, et ils le sont toujours : Ils ne peuvent même se passer de l’être ; car ils sont semblables à ces faibles tiges de vigne qui n’ayant par elles-mêmes aucun soutien, rampent toujours autour du tronc de quelque grand arbre. Je ne souffrirai point, ô Télémaque, que vous tombiez dans ce défaut, qui rend un homme imbécile pour le gouvernement. Vous qui êtes tendre jusqu’à n’oser parler à Idoménée, vous ne serez plus touché de ses peines dès que vous serez sorti de Salente ; ce n’est point sa douleur qui vous attendrit, c’est sa présence qui vous embarrasse. Allez parler vous-même à Idoménée ; apprenez en cette occasion à être tendre et ferme tout ensemble : montrez-lui votre douleur de le quitter ; mais montrez-lui aussi d’un ton décisif la nécessité de notre départ.

Télémaque n’osait ni résister à Mentor, ni aller trouver Idoménée ; il était honteux de sa crainte, et n’avait pas le courage de la surmonter : il hésitait ; il faisait deux pas, et revenait incontinent pour alléguer à Mentor quelque nouvelle raison de différer. Mais le seul regard de Mentor lui ôtait la parole, et faisait disparaître tous ses beaux prétextes. Est-ce donc là, disait Mentor en souriant, ce vainqueur des Dauniens, ce libérateur de la grande Hespérie, ce fils du sage Ulysse, qui doit être après lui l’oracle de la Grèce ! Il n’ose dire à Idoménée qu’il ne peut plus retarder son retour dans sa patrie, pour revoir son père ! Ô peuples d’Ithaque, combien serez-vous malheureux un jour, si vous avez un roi que la mauvaise honte domine, et qui sacrifie les plus grands intérêts à ses faiblesses sur les plus petites choses ! Voyez, Télémaque, quelle différence il y a entre la valeur dans les combats et le courage dans les affaires : vous n’avez point craint les armes d’A-