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FABLES.

votre fils vienne vous en tirer. Cependant le fils alla à la cour du roi, dans un temps où le jeune prince s’était embarqué pour aller faire la guerre dans une île éloignée. Il avait été emporté par les vents sur des côtes inconnues, où, après un naufrage, il était captif chez un peuple sauvage. Rosimond parut à la cour, comme s’il eût été le prince qu’on croyait perdu, et que tout le monde pleurait. Il dit qu’il était revenu par le secours de quelques marchands, sans lesquels il serait péri. Il fit la joie publique. Le roi parut si transporté, qu’il ne pouvait parler ; et il ne se lassait point d’embrasser ce fils qu’il avait cru mort. La reine fut encore plus attendrie. On fit de grandes réjouissances dans tout le royaume. Un jour celui qui passait pour le prince dit à son véritable frère : Braminte, vous voyez que je vous ai tiré de votre village pour faire votre fortune ; mais je sais que vous êtes un menteur, et que vous avez, par vos impostures, causé le malheur de votre frère Rosimond : il est ici caché. Je veux que vous parliez à lui, et qu’il vous reproche vos impostures. Braminte, tremblant, se jeta à ses pieds, et lui avoua sa faute. N’importe, dit Rosimond, je veux que vous parliez à votre frère, et que vous lui demandiez pardon. Il sera bien généreux s’il vous pardonne ; il est dans mon cabinet où je vous le ferai voir tout à l’heure. Cependant je m’en vais dans une chambre voisine, pour vous laisser librement avec lui. Braminte entra pour obéir dans le cabinet. Aussitôt Rosimond changea son anneau, passa dans cette chambre, et puis il entra par une autre porte de derrière, avec sa figure naturelle, dans le cabinet, où Braminte fut bien honteux de le voir. Il lui demanda pardon, et lui promit de réparer toutes ses fautes. Rosimond l’embrassa en pleurant, lui pardonna, et lui dit : Je suis en pleine faveur auprès du prince ; il ne tient qu’à moi de vous faire périr, ou de vous tenir toute votre vie dans une prison : mais je veux être aussi bon pour vous que vous avez été méchant pour moi. Braminte, honteux et confondu, lui répondit avec soumission, n’osant lever les yeux ni le nommer son frère. Ensuite Rosimond fit semblant de faire un voya-