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FABLES.

nes et de légumes, ne buvaient que de l’eau, dormaient sur la terre, exposés aux injures de l’air, exerçaient sans cesse leurs corps pour les endurcir au travail ; ils n’avaient pour tout ornement que le fer ; leurs troupes étaient toutes hérissées de piques, de dards et d’épées : aussi n’avaient-ils que du mépris pour des ennemis noyés dans les délices. À peine la bataille mérita-t-elle le nom d’un combat. Les Lydiens ne purent soutenir le premier choc : ils se renversent les uns sur les autres ; les Perses ne font que tuer ; ils nagent dans le sang. Crésus s’en fuit jusqu’à Sardes. Cyrus l’y poursuit sans perdre un moment. Le voilà assiégé dans sa ville capitale. Il succombe après un long siége ; il est pris, on le mène au supplice. En cette extrémité, il prononce le nom de Solon. Cyrus veut savoir ce qu’il dit. Il apprend que Crésus déplore son malheur de n’avoir pas cru ce Grec qui lui avait donné de si sages conseils. Cyrus, touché de ses paroles, donne la vie à Crésus.

Alors Callimaque commença à se dégoûter de sa fortune. Cyrus l’avait mis au rang de ses satrapes, et lui avait donné d’assez grandes richesses. Un autre en eût été content : mais le Lydien, avec son anneau, se sentait en état de monter plus haut. Il ne pouvait souffrir de se voir borné à une condition où il avait tant d’égaux et un maître. Il ne pouvait se résoudre à tuer Cyrus, qui lui avait fait tant de bien. Il avait même quelquefois du regret d’avoir renversé Crésus de son trône. Lorsqu’il l’avait vu conduit au supplice, il avait été saisi de douleur. Il ne pouvait plus demeurer dans un pays où il avait causé tant de maux, et où il ne pouvait rassasier son ambition. Il part ; il cherche un pays inconnu ; il traverse des terres immenses, éprouve partout l’effet magique et merveilleux de son anneau, élève à son gré et renverse les rois et les royaumes, amasse de grandes richesses, parvient au faîte des honneurs, et se trouve cependant toujours dévoré de désirs. Son talisman lui procure tout, excepté la paix et le bonheur. C’est qu’on ne les trouve que dans soi-même, qu’ils sont indépendants de tous ces avantages extérieurs auxquels nous mettons tant de prix ;