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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/52

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LIVRE iii.

tous les prisonniers phéniciens ; je fus compté comme étant de ce nombre. On me fit sortir de la tour ; je m’embarquai avec les autres ; et l’espérance commença à reluire au fond de mon cœur. Un vent favorable remplissait déjà nos voiles ; les rameurs fendaient les ondes écumantes, la vaste mer était couverte de navires, les mariniers poussaient des cris de joie ; les rivages d’Égypte s’enfuyaient loin de nous ; les collines et les montagnes s’aplanissaient peu à peu. Nous commencions à ne voir plus que le ciel et l’eau, pendant que le soleil, qui se levait, semblait faire sortir de la mer ses feux étincelants : ses rayons doraient le sommet des montagnes que nous découvrions encore un peu sur l’horizon ; et tout le ciel, peint d’un sombre azur, nous promettait une heureuse navigation.

Quoiqu’on m’eût renvoyé comme étant Phénicien, aucun des Phéniciens avec qui j’étais ne me connaissait. Narbal, qui commandait dans le vaisseau où l’on me mit, me demanda mon nom et ma patrie. De quelle ville de Phénicie êtes-vous ? me dit-il. Je ne suis point de Phénicie, lui dis-je ; mais les Égyptiens m’avaient pris sur la mer dans un vaisseau de Phénicie. J’ai demeuré longtemps captif en Égypte comme un Phénicien ; c’est sous ce nom que j’ai longtemps souffert ; c’est sous ce nom qu’on m’a délivré. De quel pays êtes-vous donc ? reprit Narbal. Alors je lui parlai ainsi : Je suis Télémaque, fils d’Ulysse, roi d’Ithaque en Grèce. Mon père s’est rendu fameux entre tous les rois qui ont assiégé la ville de Troie : mais les dieux ne lui ont pas accordé de revoir sa patrie. Je l’ai cherché en plusieurs pays ; la fortune me persécute comme lui : vous voyez un malheureux qui ne soupire qu’après le bonheur de retourner parmi les siens et de trouver son père.

Narbal me regardait avec étonnement, et il crut aper-