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FABLES.




XXXV. Les Aventures de Mélésichthon.




Mélésichthon, né à Mégare, d’une race illustre parmi les Grecs, ne songea dans sa jeunesse qu’à imiter dans la guerre les exemples de ses ancêtres : il signala sa valeur et ses talents dans plusieurs expéditions ; et comme toutes ses inclinations étaient magnifiques, il y fit une dépense éclatante qui le ruina bientôt. Il fut contraint de se retirer dans une maison de campagne, sur le bord de la mer, où il vivait dans une profonde solitude avec sa femme Proxinoé. Elle avait de l’esprit, du courage, de la fierté. Sa beauté et sa naissance l’avaient fait rechercher par des partis beaucoup plus riches que Mélésichthon ; mais elle l’avait préféré à tous les autres, pour son seul mérite. Ces deux personnes, qui, par leur vertu et leur amitié, s’étaient rendues mutuellement heureuses pendant plusieurs années, commencèrent alors à se rendre mutuellement malheureuses, par la compassion qu’elles avaient l’une pour l’autre. Mélésichthon aurait supporté plus facilement ses malheurs, s’il eût pu les souffrir tout seul, et sans une personne qui lui était si chère. Proxinoé sentait qu’elle augmentait les peines de Mélésichthon. Ils cherchaient à se consoler par deux enfants qui semblaient avoir été formés par les Grâces : le fils se nommait Mélibée, et la fille Poéménis. Mélibée, dans un âge tendre, commençait déjà à montrer de la force, de l’adresse et du courage : il surmontait à la lutte, à la course, et aux autres exercices, les enfants de son voisinage. Il s’enfonçait dans les forêts, et ses flèches ne portaient pas des coups moins assurés que celles d’Apollon ; il suivait encore plus ce dieu dans les sciences et dans les beaux-arts que dans les exercices du corps. Mélésichthon, dans sa solitude, lui enseignait tout ce qui peut cultiver et orner l’esprit, tout ce qui peut faire aimer la vertu et régler les mœurs. Mé-