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FABLES.

paroles : La vraie noblesse consiste à ne recevoir rien de personne, et à faire du bien aux autres. Ne recevez donc rien que du sein fécond de la terre et de votre propre travail. Gardez-vous bien de quitter jamais, par mollesse ou par fausse gloire, ce qui est la source naturelle et inépuisable de tous les biens.





XXXVI. Les Aventures d’Aristonoüs.




Sophronyme, ayant perdu les biens de ses ancêtres par des naufrages et par d’autres malheurs, s’en consolait par sa vertu dans l’île de Délos. Là il chantait sur une lyre d’or les merveilles du dieu qu’on y adore : il cultivait les Muses, dont il était aimé : il recherchait curieusement tous les secrets de la nature, le cours des astres et des cieux, l’ordre des éléments, la structure de l’univers, qu’il mesurait de son compas, la vertu des plantes, la conformation des animaux : mais sur tout il s’étudiait lui-même, et s’appliquait à orner son âme par la vertu. Ainsi la fortune, en voulant l’abattre, l’avait élevé à la véritable gloire, qui est celle de la sagesse.

Pendant qu’il vivait heureux sans biens dans cette retraite, il aperçut un jour sur le rivage de la mer un vieillard vénérable qui lui était inconnu ; c’était un étranger qui venait d’aborder dans l’île. Ce vieillard admirait les bords de la mer, dans laquelle il savait que cette île avait été autrefois flottante ; il considérait cette côte, où s’élevaient, au-dessus des sables et des rochers, de petites collines toujours couvertes d’un gazon naissant et fleuri ; il ne pouvait assez regarder les fontaines pures et les ruisseaux rapides qui arrosaient cette délicieuse campagne ; il s’avançait vers les bocages sacrés qui environnent le temple du dieu ; il était étonné devoir cette verdure que les aquilons n’osent jamais ternir, et il considérait déjà le temple, d’un marbre de Paros plus blanc que la neige, environné de hautes colonnes de jaspe. Sophronyme n’était pas