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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/542

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FABLES.

moins attentif à considérer ce vieillard : sa barbe blanche tombait sur sa poitrine, son visage ridé n’avait rien de difforme : il était encore exempt des injures d’une vieillesse caduque, ses yeux montraient une douce vivacité ; sa taille était haute et majestueuse, mais un peu courbée, et un bâton d’ivoire le soutenait. Ô étranger, lui dit Sophronyme, que cherchez-vous dans cette île, qui paraît vous être inconnue ? Si c’est le temple du dieu, vous le voyez de loin, et je m’offre de vous y conduire, car je crains les dieux, et j’ai appris ce que Jupiter veut qu’on fasse pour secourir les étrangers.

J’accepte, répondit le vieillard, l’offre que vous me faites avec tant de marques de bonté ; je prie les dieux de récompenser votre amour pour les étrangers. Allons vers le temple. Dans le chemin, il raconta à Sophronyme le sujet de son voyage : Je m’appelle, dit-il, Aristonoüs, natif de Clazomène, ville d’Ionie, située sur cette côte agréable qui s’avance dans la mer, et semble s’aller joindre à l’île de Chio, fortunée patrie d’Homère. Je naquis de parents pauvres, quoique nobles. Mon père, nommé Polystrate, qui était déjà chargé d’une nombreuse famille, ne voulut point m’élever ; il me fit exposer par un de ses amis de Téos. Une vieille femme d’Érythre, qui avait du bien auprès du lieu où l’on m’exposa, me nourrit de lait de chèvre dans sa maison : mais comme elle avait à peine de quoi vivre, dès que je fus en âge de servir, elle me vendit à un marchand d’esclaves qui me mena dans la Lycie. Il me vendit, à Patare, à un homme riche et vertueux, nommé Alcine ; cet Alcine eut soin de moi dans ma jeunesse. Je lui parus docile, modéré, sincère, affectionné, et appliqué à toutes les choses honnêtes dont on voulut m’instruire ; il me dévoua aux arts qu’Apollon favorise ; il me fit apprendre la musique, les exercices du corps, et surtout l’art de guérir les plaies des hommes. J’acquis bientôt une assez grande réputation dans cet art, qui est si nécessaire, et Apollon qui m’inspira me découvrit des secrets merveilleux. Alcine, qui m’aimait de plus en plus, et qui était ravi de voir le succès de ses