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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/61

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si nombreux qu’à peine peut-on découvrir la mer qui les porte. Tous les citoyens s’appliquent au commerce, et leurs grandes richesses ne les dégoûtent jamais du travail nécessaire pour les augmenter. On y voit de tous les côtés le fin lin d’Égypte, et la pourpre tyrienne, deux fois teinte, d’un éclat merveilleux ; cette double teinture est si vive, que le temps ne peut l’effacer : on s’en sert pour des laines fines, qu’on rehausse d’une broderie d’or et d’argent. Les Phéniciens font le commerce de tous les peuples jusqu’au détroit de Gadès, et ils ont même pénétré dans le vaste océan qui environne toute la terre. Ils ont fait aussi de longues navigations sur la mer Rouge ; et c’est par ce chemin qu’ils vont chercher, dans des îles inconnues, de l’or, des parfums et divers animaux qu’on ne voit point ailleurs.

Je ne pouvais rassasier mes yeux du spectacle magnifique de cette grande ville, où tout était en mouvement. Je n’y voyais point, comme dans les villes de la Grèce, des hommes oisifs et curieux, qui vont chercher des nouvelles dans la place publique, ou regarder les étrangers qui arrivent sur le port. Les hommes y sont occupés à décharger leurs vaisseaux, transporter leurs marchandises ou à les vendre, à ranger leurs magasins, et à tenir un compte exact de ce qui leur est dû par les négociants étrangers. Les femmes ne cessent jamais ou de filer les laines, ou de faire des dessins de broderie, ou de plier les riches étoffes.

D’où vient, disais-je à Narbal, que les Phéniciens se sont rendus les maîtres du commerce de toute la terre, et qu’ils s’enrichissent ainsi aux dépens de tous les autres peuples ? Vous le voyez, me répondit-il ; la situation de Tyr est heureuse pour le commerce. C’est notre patrie qui a la gloire d’avoir inventé la navigation : les Tyriens furent les premiers, s’il en faut croire ce qu’on raconte de la plus