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LIVRE iii.

Elle avait su gagner le cœur de Pygmalion, par sa beauté, par son esprit, par sa douce voix, et par l’harmonie de sa lyre. Pygmalion, aveuglé par un violent amour pour elle, avait abandonné la reine Topha, son épouse. Il ne songeait qu’à contenter toutes les passions de l’ambitieuse Astarbé : l’amour de cette femme ne lui était guère moins funeste que son infâme avarice. Mais, quoiqu’il eût tant de passion pour elle, elle n’avait pour lui que du mépris et du dégoût ; elle cachait ses vrais sentiments ; et elle faisait semblant de ne vouloir vivre que pour lui, dans le même temps où elle ne pouvait le souffrir. Il y avait à Tyr un jeune Lydien nommé Malachon, d’une merveilleuse beauté, mais mou, efféminé, noyé dans les plaisirs. Il ne songeait qu’à conserver la délicatesse de son teint, qu’à peigner ses cheveux blonds flottants sur ses épaules, qu’à se parfumer, qu’à donner un tour gracieux aux plis de sa robe, enfin qu’à chanter ses amours sur sa lyre. Astarbé le vit ; elle l’aima, et devint furieuse. Il la méprisa, parce qu’il était passionné pour une autre femme. D’ailleurs il craignit de s’exposer à la cruelle jalousie du roi. Astarbé, se sentant méprisée, s’abandonna à son ressentiment. Dans son désespoir, elle s’imagina qu’elle pouvait faire passer Malachon pour l’étranger que le roi faisait chercher, et qu’on disait qui était venu avec Narbal, En effet, elle le persuada à Pygmalion, et corrompit tous ceux qui auraient pu le détromper. Comme il n’aimait point les hommes vertueux, et qu’il ne savait point les discerner, il n’était environné que de gens intéressés, artificieux, prêts à exécuter ses ordres injustes et sanguinaires. De telles gens craignaient l’autorité d’Astarbé, et ils lui aidaient à tromper le roi, de peur de déplaire à cette femme hautaine qui avait toute sa confiance. Ainsi Mala-