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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/75

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TÉLÉMAQUE.

mouvement de ses yeux. Cependant toutes les nymphes en silence se penchaient pour prêter l’oreille, et faisaient une espèce de demi-cercle, pour mieux voir et pour mieux écouter : les yeux de toute l’assemblée étaient immobiles et attachés sur le jeune homme. Télémaque, baissant les yeux, et rougissant avec beaucoup de grâce, reprit ainsi la suite de son histoire :

À peine le doux souffle d’un vent favorable avait rempli nos voiles, que la terre de Phénicie disparut à nos yeux. Comme j’étais avec les Chypriens, dont j’ignorais les mœurs, je résolus de me taire, de remarquer tout, et d’observer toutes les règles de la discrétion pour gagner leur estime. Mais pendant mon silence, un sommeil doux et puissant vint me saisir : mes sens étaient liés et suspendus ; je goûtais une paix et une joie profonde qui enivrait mon cœur.

Tout à coup je crus voir Vénus, qui fendait les nues dans son char volant conduit par deux colombes. Elle avait cette éclatante beauté, cette vive jeunesse, ces grâces tendres qui parurent en elle quand elle sortit de l’écume de l’Océan, et qu’elle éblouit les yeux de Jupiter même. Elle descendit tout à coup d’un vol rapide jusqu’auprès de moi, me mit en souriant la main sur l’épaule, et, me nommant par mon nom, prononça ces paroles : Jeune Grec, tu vas entrer dans mon empire, tu arriveras bientôt dans cette île fortunée où les plaisirs, les ris et les jeux folâtres naissent sous mes pas. Là, tu brûleras des parfums sur mes autels ; là, je te plongerai dans un fleuve de délices. Ouvre ton cœur aux plus douces espérances, et garde-toi bien de résister à la plus puissante de toutes les déesses, qui veut te rendre heureux.

En même temps j’aperçus l’enfant Cupidon, dont les