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Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/95

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TÉLÉMAQUE.

aux peuples qu’il doit tout son temps, tous ses soins, toute son affection ; et il n’est digne de la royauté qu’autant qu’il s’oublie lui-même pour se sacrifier au bien public. Minos n’a voulu que ses enfants régnassent après lui qu’à condition qu’ils régneraient suivant ces maximes : il aimait encore plus son peuple que sa famille. C’est par une telle sagesse qu’il a rendu la Crète si puissante et si heureuse ; c’est par cette modération qu’il a effacé la gloire de tous les conquérants qui veulent faire servir les peuples à leur propre grandeur, c’est-à-dire à leur vanité ; enfin c’est par sa justice qu’il a mérité d’être aux enfers le souverain juge des morts.

Pendant que Mentor faisait ce discours, nous abordâmes dans l’île. Nous vîmes le fameux labyrinthe, ouvrage des mains de l’ingénieux Dédale, et qui était une imitation du grand labyrinthe que nous avions vu en Égypte. Pendant que nous considérions ce curieux édifice, nous vîmes le peuple qui couvrait le rivage, et qui accourait en foule dans un lieu assez voisin du bord de la mer. Nous demandâmes la cause de leur empressement ; et voici ce qu’un Crétois, nommé Nausicrate, nous raconta :

Idoménée, fils de Deucalion et petit-fils de Minos, dit-il, était allé, comme les autres rois de la Grèce, au siège de Troie. Après la ruine de cette ville, il fit voile pour venir en Crète ; mais la tempête fut si violente, que le pilote de son vaisseau, et tous les autres qui étaient expérimentés dans la navigation, crurent que leur naufrage était inévitable. Chacun avait la mort devant les yeux ; chacun voyait les abimes ouverts pour l’engloutir ; chacun déplorait son malheur, n’espérant pas même le triste repos des ombres qui traversent le Styx après avoir reçu la sépulture. Idoménée, levant les yeux et les mains vers le ciel, invo-