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TÉLÉMAQUE.

ainsi, il tira son épée pour se percer ; mais ceux qui étaient autour de lui arrêtèrent sa main.

Le vieillard Sophronyme, interprète des volontés des dieux, lui assura qu’il pouvait contenter Neptune sans donner la mort à son fils. Votre promesse, disait-il, a été imprudente : les dieux ne veulent point être honorés par la cruauté ; gardez-vous bien d’ajouter à la faute de votre promesse, celle de l’accomplir contre les lois de la nature : offrez cent taureaux plus blancs que la neige à Neptune ; faites couler leur sang autour de son autel couronné de fleurs ; faites fumer un doux encens en l’honneur de ce dieu.

Idoménée écoutait ce discours, la tête baissée, et sans répondre : la fureur était allumée dans ses yeux ; son visage, pâle et défiguré, changeait à tous moments de couleur ; on voyait ses membres tremblants. Cependant son fils lui disait : Me voici, mon père ; votre fils est prêt à mourir pour apaiser le dieu ; n’attirez pas sur vous sa colère : je meurs content, puisque ma mort vous aura garanti de la vôtre ; frappez, mon père : ne craignez point de trouver en moi un fils indigne de vous, qui craigne de mourir.

En ce moment, Idoménée, tout hors de lui, et comme déchiré par les furies Infernales, surprend tous ceux qui l’observent de près ; il enfonce son épée dans le cœur de cet enfant : il la retire toute fumante et pleine de sang, pour la plonger dans ses propres entrailles ; il est encore une fois retenu par ceux qui l’environnent. L’enfant tombe dans son sang, ses yeux se couvrent des ombres de la mort ; il les entr’ouvre à la lumière ; mais à peine l’a-t-il trouvée qu’il ne peut plus la supporter. Tel qu’un beau lis au milieu des champs, coupé dans sa racine par le tranchant