Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/111

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un LYHUMANISME A LA Rnroann. 93 ,Dieu sur la terre, voila ce qui est autrement sérieux que le culte des Muses. Comme beaucoup de ses contemporains, surtout dans cette premiere période, c`est une crise au fond toute morale qui le mene it la Réforme. Il devint`protestant des que la préoccupation morale l’emporta chez lui sur toute autre. C`est le passage non d`une Église a une autre, mais de Pindifférence Et une conviction religieuse, de la vie mon- daine, pour parler sa langue, et la vie spirituelle. Pour expliquer une telle conversion, peut-être faudrait·il, dans un autre siecle que le XVIC, admettre u11e prédisposition particuliere alexaltation mystique. Mais, prenons-y garde, au temps qui nous occupe, ce grand souci des choses de la religion n’a rien d’exceptionnel. Dans la premiere moitié du xv1° siecle, l’exception ce n’est pas la ferveur, c’est Finditlé- rence. Nous faisons tort a ce temps et à notre pays quand nous nous représentons la Renaissance francaise comme [ aussi insouciante, aussi incroyante que la Renaissance ita- lienne. Il y a chez nous alors un fond de gravité et d`austé· ' rité, un respect, une profondeur de piété intime et vraie qui atteste encore la puissance de l`éducation des siècles pré- cédents. Cet arriere-fond d`inlini que le moyen age a niis · a toutes choses humaines n’est pas dissipé, il n’est pas même entamé : l`homme a grandi dans une atmosphere impre— gnee de surnaturel, et il ne songe nullement u en sortir. Les débats que fait éclater la Réforme, bien loin d’affaiblir, affor- missent cette disposition générale. Il y a alo1·s une crise religieuse dans toutes les consciences. Les seuls hommes qui — y.échappent ne comptent pas, précisément pa1·ce qu’ils y échappent : ce sont ou des faibles ou des habiles, deux variétés de la mème impuissance. . Et, des `qu’on y réfléchit, on s’apercoit qu`il ne pouvait en ètre autrement. U11 lettre francais vers 4540 vient trop tard ou troprtot d’un.siecle pour pouvoir jouir du repos du sage et habiter les templa,se1·emz de Yindilférence. Il ne peut plus, comme aux premieres lueurs de la Renaissance, oubliant tout et·oublié de tous, enfermé avec ses divins manuscrits, s’ab- sorber dans l’ivrcs'se de sa découverte; a cette heure l`anti- quité est sortie presque entière du linceul, elle vit, elle parle,