Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/384

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

366 SEBASTIEN casrmtmon. Mais avant de les écouter sur la seconde question, essayons de répondre nous-même a la premiere 2 qu’est—ce qu’un héré- tique? Cette définition, qui est le point capital du débat, en est précisément le point le plus obscur, le seul qu’on n'ait jamais sérieusement fixé. · D’abord, Martin Bellie proteste et 11ous met en garde Contre notre premier mouvement qui Sera de juger « par l’opinion du con11nun peuple » : Je n’estime pas tous ceux la être hérétiques qui sont appelés héréti- ques..., lequel nom est au_jourd’huy rendu si infâme, si détestable et horrible, que si quelcun désire que son ennemy soit incontinent mis à. mo1·t, il n’a point de voye plus commode, que de l’accuser d’hérésie. Car tout incontinent que les hommes auront entendu celà, ils l’auront en si grande horreur pour ce seul nom d’hérétique qu’en bouchant leurs oreilles, afin qu’ils n’oyent sa défense, ils persécuteront furieusement, eta bride avallée, non seulement celuy-là, mais tous ceux qui oseront seulement ouvrir la bouche pour l’excuser. Par laquelle rage il advient que plusieurs sont mis à. mort, avant que leur cause soit vrayement cogneüe. · Et ne dy point cecy pour favoriser aux hérétiques (car je hay les hérétiques), mais je voy_ icy deux grands dangiers. Le premier, c’est qu’aucun ne soit réputé pour hérétique, qui n’est pas hérétique, comme il est advenu jusques à présent, et comme mesnies nous voyons, que Christ, et les siens ont estez occis pour hérétiques .... L’autre dangier est que celuy qui est vrayement hérétique ne soit plus grièvement et autrement puny que la discipline chrestienne ne requiert .... Certainement après avoir souvent cerché que c’est d’un heretique,je n’en trouve autre chose, sinon que nous estimons heretiques tous ceux qui ne s’accordent avec nous en notre opinion. Laquelle chose est manifeste en ce que nous voyons qu'il n’y a presque aucune de toutes les sectes (qui sont aujourd’huy sans nombre) laquelle n’ait les autres pour heretiques : en sorte, que si en ceste cité ou région, tu es estimé vray fidèle, en la prochaine tu seras estimé heretique. Tellement, que si quelcun aujourd’huy veut vivre, il luy est nécessaire d’avoir autant de foys et religions, qu’il est de citez, ou de sectes : tout ainsi que celuy qui va par paîs a besoing de changer sa monnoye de jour en jour: car celle qui est icy bonne, autre part n’aura aucun cours, sinon que la monnoye soit d’or, car en tous lieux celle-la est bonne, de quelque marque qu’elle soit. Or croire en Dieu le père tout puissant, au Filz, et au Sainct Esprit, et approuver les commandemens de vraye piété, qui sont contenuz en la saincte Escriture, c’est une monnoye d’or plus approuvée et examinée que l’or mesme. Mais ceste monnoye jusques ai present a diverses marques et figures, ce pendant que les hommes sonten discord entre eux, de la Cène, du Baptesme, et d'autres telles choses. Mais supportons-nous l’un l’autre, et necoudamnons incontinent la foy d’un autre, laquelle est fondée sur Jesu-Christ.