Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/419

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OPINION DE GEORGES KLEINBERG. 401 Oh cœur de sang! oh cruauté incomparable! Qui est—ce qui a jamais esté si diligent a sauver la vie de l’homme que ceux-cy sont à la perdre! 0 Christ, 6 Dieu fort, 6 Père du siècle advenir, 6 Prince de paix, 6 Lu- mière du monde, illumine les yeux des Princes...! Pour aider les « princes et tous gens de justice tt ouvrir les yeux >>, il les atljure avec une vibrante éloquence de résister aux conseils sanguinaires; il y a la encore une page qui mé- ritait, on va le voir, d’échapper ai l’oubli. : - 0 Princes, ne croyez point a ceux qui vous conseillent que espandiez le sang pour la Religion : ne soyez pas leurs bourreaux .... Contentez-vous de ce glaive que le Seigneur vous a donné. Punissez les brigans, punissez les traistres, les faux tesmoings et autres semblables. Mais quant a ce qui appartient a la Religion, defendez les bons a l’en· contre des injures des autres. Cestuy est vostre ofüce. La doctrine de la théologie ne doit point estre defendue par glaive; car si les théologiens obtiennent cela de vous, que vous defendiez leur doctrine par armes, le médecin pourra ai bon droit postuler la mesme chose, à savoir que vous le défendiez contre les opinions des autres médecins, et ainsi semblable- ment le dialecticien, l’orateur et les autres ars. Que si vous ne pouvez maintenir ces ars par glaive, aussi ne faites-vous la théologie, veu mes- mement qu'elle consiste en parolles et en esprit, non pas moins que ceste la. Et si un bon medecin peut assez defendre sa doctrine sans l’aide du magistrat, pourquoy ne pourrait faire cela le théologien? Christ l’a bien peu faire, les Apostres l’ont peu faire : aussi certes leurs imitateurs le pourront faire. Defendez les corps des bons par vostre glaive corporel, mais ce glaive ne sauroit attaindre l'ame. Soyez sages, et ensuyvez le conseil de Christ, et non pas celuy de l'An— techrist. Autrement je veux que vous sachiez, qu’il n’y aura jamais aucune tin de séditions et guerres, jusques a ce que tous ceux la perissent misè- rablement, qui ont temerairement espaudu le sang. Ne pensez pas que les séditions puissent estre ostees en exerçant cruauté. Car si par cruauté et felonnie on estoit venu jusques-la que deux hommes seulement fus- sent demourez en tout le monde, si seroient ces deux en discord entre eux, et se tueroieut par playes mutuelles, comme autrefois est advenu aux Madianites, et y a dangier aujourd’huy qu’il ne nous advienne, si nous ne cessons d’exercer nostre rage. S’il y avoit quelque remède contre ces manlx en cruauté et felonnie, iceux fussent pieça tous abolis, veu qu’il y a desja plus de cinq mille ans qu’on l’exerce. Mais c’est chose certaine, que jamais mal ne sera vaincu par mal. Et n’y a aucun remède contre les meurtriers, sinon qu’on cesse de faire meurtres. Le second morceau, fort éiiergiquc aussi, est d`LlI`l accent _ nn pen différent. Il semble s`adresser a des lecteurs assidus de la Bible, familiers avec les interprétations allégoriques. · 26