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Page:Ferdinand Henaux - Études historiques et littéraires sur le wallon, 1843.djvu/65

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l’expression des griefs du peuple. Simonis paya diverses fois les écarts de sa muse hardie par la prison.

C’est ainsi que le wallon est arrivé jusqu’à nous depuis 1794, méconnu, marchant dans l’ombre, tout honteux. Qu’on ne croie pas qu’il soit tout à fait proscrit cependant ; non ; il est seul en usage dans la classe populaire, qui ne le reniera jamais. On le parle aussi dans un grand nombre de maisons bourgeoises, mais on l’abandonne aussitôt que paraît un étranger. Dans les classes un peu relevées, pour mettre du pittoresque dans la conversation, on fait souvent, mais en rougissant, marcher de front et la langue liégeoise et la langue française, soit qu’on aime à son insu à parler l’idiome national, soit que le français ne puisse offrir des équivalents de ce qui frappe subitement les sens. L’aristocratie, comme on doit le penser, ne veut pas se compromettre en faisant entendre par mégarde l’accent maternel : la recette la plus simple et la plus sûre, c’est de faire semblant de ne pas le connaître.

Au siècle dernier, l’antique wallon n’était pas exclusivement relégué chez les classes bourgeoises et ouvrières : il se montrait au grand jour, et le tréfoncier comme l’avocat, le gentilhomme comme la petite-maîtresse se servaient sans rougir de ce langage simple et naïf, qui joint souvent à la vivacité de l’expression le pittoresque de l’image[1].

  1. « Je conviens qu’il y a partout des patois, mais il faut également convenir que c’est une monnaie qui n’a cours nulle part que chez le bas peuple, et qu’il n’y a qu’à Liège qu’on ait vu parler à tout le monde indistinctement le trivial langage des Halles. » Trois pages plus loin, Malherbe entre dans un bien