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forcé de me marier une troisième fois. Je pense, monsieur le curé, que si vous pouviez me trouver, à Québec, une femme qui voudrait devenir madame Gamache, vous me rendriez service et à elle aussi, peut-être. » Je n’osai promettre que je m’occuperais de l’affaire ; je n’en avais point le temps, et d’ailleurs je n’avais aucun espoir de trouver une personne qui voulût consentir à être maîtresse de ce manoir, à condition d’y passer presque toute l’année dans un complet isolement. Les absences du bourgeois étaient fréquentes : durant l’été, il naviguait ; en hiver, il courait les bois pour la chasse.

Sa seconde femme est morte pendant qu’il était dans la forêt, occupé à tendre et à visiter des pièges. Quand il rentra à la maison, après une absence de deux semaines, il ne trouva plus qu’un cadavre glacé et roidi, auprès duquel se pressaient, exténués de faim et transis de froid, ses deux petits enfants, âgés l’un de cinq ans et l’autre de six. « Voilà comme on me trouvera quelque bon jour : chacun aura son tour. Eh bien ! puisqu’elle est morte, il faut l’enterrer. » Ce fut la seule remarque qu’il fit au chasseur qui l’accompagnait ; il avait cependant toujours témoigné à sa femme de la bonté et de l’affection.

Pendant les quelques heures que nous passâmes en ce lieu, nos préjugés contre Gamache se dissipèrent. Dans sa personne, les dehors étaient rudes, mais le fond du cœur était bon. Il était le premier à rire des moyens qu’il avait employés pour acquérir sa terrible renommée, et il se félicitait de la sécurité qu’elle lui procurait dans son poste périlleux. Nous pûmes recueillir de sa bouche quelques détails sur sa vie et, en particulier, sur les espiègleries qui avaient rendu son nom célèbre dans les quartiers d’alentour.