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de défense et en attachant à son nom le prestige d’une terreur superstitieuse.

Une veine de plaisanterie se cachait souvent au fond des mesures qu’employait Gamache pour se faire craindre. Arrivant un jour à Rimouski après un jeûne forcé, il s’arrête à une auberge et demande qu’on prépare à souper pour deux personnes, dans une chambre séparée. Le souper est servi ; selon ses ordres, deux couverts sont placés sur la table.

— Mais, qui attendez-vous pour souper ? demanda l’hôtelière.

— Est-ce que cela vous regarde ? vous serez payée comme il faut ; c’est assez. Retirez-vous, et ne rentrez point sans que je vous appelle.

Le prétendu sorcier ferme soigneusement la porte. Après s’être acquitté noblement de la tâche de bon mangeur, il appelle l’hôtesse, qui faillit perdre connaissance en entrant dans la chambre. La porte est bien restée jusque-là fermée ; et cependant voilà deux chaises auprès de la table, les deux couverts sont servis, et, qui plus est, un seul homme n’aurait jamais eu le courage de manger tout ce qui avait été mis sur la nappe.

Le lendemain matin, tout le canton était informé que Gamache avait passé la veillée avec le diable. On les avait entendus parler tout bas, et bien des circonstances mystérieuses avaient été remarquées ; mais on n’osait pas les répéter. Gamache riait sous cape et se disait tout bas :

Eh bien ! mes b…s, puisque vous êtes si bêtes, on va mettre une double charge à la peur.

— Madame, ce soir, je veux encore un souper pour deux, entendez-vous ? je ne dînerai pas ici, mais j’y souperai.

À six heures, le souper était servi. En entrant dans la maison, Gamache aperçoit un groupe d’hommes et de femmes qui s’éloignent de lui à son passage.