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Que tous les jours dans notre pâturage
Elle vient nous braver, nous causer du dommage,
Pillant, volant, broutant notre pacage !
Le canton retentit toujours de vos débats.
Aller la visiter, et même dès l’aurore !
Si j’osois, je dirois que vous dormez encore :
Chez elle, croyez-moi, ne portez point vos pas ;
Elle se vante enfin d’être votre ennemie.
— Il est vrai, mais, ma chère, elle perd ses petits :
J’oublîrai tous ses torts, en écoutant ses cris ;
Car déjà je suis attendrie
Sur son danger, sur sa douleur ;
La laisser sans secours, cela m’est impossible :
Mon enfant, c’est l’effet que produit le malheur ;
Il éloigne de nous le méchant, l’insensible :
Il en rapproche le bon cœur.



FABLE XCII.

LES DEUX PAYSANS.


D’où viens-tu, disoit Claude à Pierre ?
Sais-tu bien que Guillaume est d’hier trépassé ?
— Si je le sais ? Je viens de pleurer sur sa bière.
Ah ! tel bon cœur devroit être enchassé :
Ce fermier, sans enfans, en mourant, m’a laissé
De l’argent pour donner au plus vieux du village.
J’ai pensé vite à Blaise, à ses maux, à son âge ;
Il a reçu par moi cent écus aujourd’hui.
— Et pourquoi donc préférer Blaise ?
Cet argent te mettoit pour long-temps à ton aise ;
N’es-tu pas pauvre, enfin, presqu’aussi vieux que lui ?