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Amour, Amour, je te vois fuir.
Cependant, si ce dieu volage
Devenoit sincère et constant,
Ah ! je le dis en soupirant,
Je regretterois le bel âge.


À MON SAULE PLEUREUR,


Qu’on m’a enlevé sans que je pusse m’en douter.


Le saule que ma lyre a tant de fois chanté,
Mon abri, mon plaisir, hélas, mon seul ombrage,
Quoi, l’objet le plus cher de ma propriété
A peut-être été transplanté
Par quelque rustre au fond d’un marécage !
Mais, de quel droit t’a-t-il ainsi traité ?
Et de quel droit vient-on m’enlever ton feuillage ?
Je crus te confier aux soins de l’amitié,
Ah ! ce n’est plus qu’une chimère !
Je ne craignois pour toi que le vent, le tonnerre,
Et le cruel, sans la moindre pitié
T’ordonne d’embellir une terre étrangère !
Tu consolois mes maux, ajoutois à mes biens,
Et quand je me livrois à ma mélancolie
Que de fois je mêlai mes pleurs avec les tiens !
Partout je t’appelois le charme de ma vie.
J’aurois tracé sur tes rameaux
Le jour même où l’on vint t’arracher et te prendre ;
Bientôt j’augmenterai le nombre des tombeaux,
Que ton dernier bienfait soit d’ombrager ma cendre.