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ÉPÎTRE

À MA CHIENNE.


Nous voilà vieilles toutes deux ;
Consolons-nous, chère Zémire ;
Mon œil s’éteint, et dans tes yeux,
Où brilloit l’amoureux délire,
On ne voit plus les mêmes feux.
Tu perds ta grâce, ta folie,
Mon esprit perd son enjouement ;
Du jour tu dors une partie,
Et moi je rêve tristement.
Hélas ! pour tous ceux qui vieillissent,
Tous les jours, à tous les momens,
Quelques plaisirs s’épanouissent.
Tu vois fuir bien loin les amans,
Et mes amis se refroidissent.
Mais laissons-là les inconstans ;
Contr’eux, ni plainte, ni satire.
Ne les imitons pas, Zémire :
Chéris-moi comme en ton printems.
L’amitié fait couler la vie ;
Elle embellit tous nos instans,
Et qui ne peut aimer s’ennuie,
Même à l’aurore de ses ans.
Tu ne peux parler ; quel dommage !
Ton embarras me fait pitié :
De nos mots que n’as-tu l’usage !
Tout ce qui ressent l’amitié
Devroit avoir même langage.
Je serois heureuse avec toi,