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Page:Fertiault - Un martyr de l’intelligence, 1848.djvu/6

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II.

découverte et actions de grâce.


Par des chocs incessants quand l’âme est ravagée,
Je comprends que l’ardeur tombe découragée ;
Que l’éclat où parfois l’intelligence atteint
Pâtisse comme au soir un flambeau qui s’éteint.
C’est un de ces instants que Salomon supporte.
Le dégoût, la tristesse ont chassé la cohorte
Des plans et des projets, projets futurs encor,
Dans lesquels il voyait luire son rêve d’or.
De son front inspiré la flamme est disparue.
Semblable au brouillard gris dont s’obscurcit la rue,
Le sombre désespoir l’a voilé d’un bandeau,
Et la pensée en lui pèse comme un fardeau.
À travers la douleur l’homme poursuit son rêve…

Mais de Caux, tout à coup, de son siége se lève.
Un bruit inattendu le fait tout tressaillir…
Avec fracas un corps au mur vient de jaillir.
Salomon court, se baisse et ramasse… il s’étonne :

— « Un couvercle qui saute !… Et le volcan qui tonne
« Où donc est-il ?… Mon Dieu ! je suis fou, par moments !
« Pour cuire et préparer mes humbles aliments,
« Dans un vase de fer j’ai versé tout à l’heure
« De l’eau… mais cette eau bout ?… Dieu du ciel, que je meure
« Si je ne tiens enfin ce que j’ai tant cherché !
« Je veux voir. »

« Je veux voirAussitôt le vase est rebouché,
Et Salomon attend qu’une autre expérience
Donne, en se produisant, raison à la science.
Contre un choc meurtrier voulant se protéger,
À l’angle de la pièce il s’est venu ranger.
Il attend plein d’espoir. Il retient son haleine
Pour écouter cette eau dont sa marmite est pleine ;
Il réunit sa force et de corps et d’esprit ;
Il se souvient du livre où vapeur est écrit,
Il compte les instants de cette heure anxieuse.
Cette eau, cette eau qui chauffe, ô chose merveilleuse !
Il suppute, il en suit les moindres sifflements ;
Il colle son oreille à ses bouillonnements.
Il n’est plus à lui-même ; il guette ce cratère…
Voilà son toit qui vole, et qui retombe à terre !
— « Merci ! merci, mon Dieu ! mon secret est trouvé !
« Je tiens le mot. Voilà ce que j’ai tant rêvé !!… »

Ployant sur ses genoux, il tombe sur la pierre,
Et d’un cœur débordant jette à Dieu sa prière.
Avec quelle ferveur Salomon doit prier !
Écoutez ; on dirait qu’on l’entend s’écrier :

Écoutez — « Seigneur, tout à l’heure encore
Écoutez « Contre toi j’ai murmuré,
Écoutez « Et maintenant à mon gré
Écoutez « Je sens ma pensée éclore…
Écoutez « Mon Dieu, mon Dieu, je t’adore ;
Écoutez « Mon esprit s’est éclairé.

Écoutez « Comme un flambeau qui pénètre
Écoutez « Sous les voûtes d’un caveau,