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Page:Feuerbach - Essence du Christianisme, 1864.pdf/239

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essence du christianisme

mal qui le surprend sans qu’il s’y attende, au milieu de ses projets moraux ou religieux, ou qui l’entraîne avec une puissance terrible, vient du diable. La connaissance de la religion ne peut être acquise sans la connaissance préalable du diable, de Satan, des démons. La grâce et ses effets sont la contre-partie des tentations diaboliques et de leurs conséquences. De même que les penchants sensuels, involontaires, dont la source est dans les profondeurs de la nature, ou en général tous les phénomènes du mal physique et du mal moral, réels ou imaginaires, qu’elle ne peut s’expliquer sont pour la religion des effets produits par l’être méchant, de même aussi, et nécessairement, les émotions involontaires de l’enthousiasme et du ravissement lui paraissent provenir de l’être bon, de l’esprit saint ou de la grâce. De là l’arbitraire de la grâce. De là les plaintes des hommes pieux, que tantôt la grâce les pénètre et les rende heureux et tantôt les abandonne. La vie, l’essence de la grâce est la vie, l’essence de l’émotion involontaire. C’est le paraclet des chrétiens. Les moments dépouillés de sentiment et d’enthousiasme sont les moments de la vie abandonnés par la grâce de Dieu.

Par rapport à la vie intérieure, on peut définir la grâce le génie religieux ; elle est le hasard religieux par rapport à la vie extérieure. L’homme est bon ou méchant, non pas seulement par lui-même, par sa propre force, par sa volonté, mais par une foule d’influences secrètes ou apparentes que nous attribuons à la puissance de « Sa Majesté le hasard, comme disait Frédéric le Grand, faute de pouvoir les fonder sur une nécessité métaphysique ou absolue. La grâce divine est la puissance du hasard élevé au mysticisme. C’est