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essence du christianisme

Elle ne se place pas au point de vue théorétique, car autrement elle devrait avoir la liberté d’exprimer ses doctrines sans les lier à des conséquences pratiques, sans exercer, pour ainsi dire, une pression sur la foi. En effet, s’il est écrit : « Est damné qui ne croit pas, » c’est une manière subtile et hypocrite de me violenter ; la terreur de l’enfer me force à croire malgré moi. Lors même que ma foi serait libre dans son principe, elle est toujours mêlée de crainte ; le doute, ce principe de la liberté scientifique, doit me paraître un crime. Or, Dieu est l’idée la plus haute, l’être suprême de la religion ; le plus grand crime est donc de douter de Dieu, surtout de douter qu’il existe. Mais ce que je ne puis mettre en doute sans me sentir inquiété, sans me trouver coupable, n’est point une affaire de raison, mais une affaire de conscience ; un être rationnel, mais un être de sentiment et de fantaisie.

Puisque le point de vue pratique et subjectif est le seul auquel se place la religion, et que par conséquent l’homme pratique, agissant purement en vue d’un but physique ou moral, et, considérant le monde non pour lui-même, mais seulement par rapport à son but et à ses besoins. est pour elle l’homme complet, — il s’ensuit que tout ce qui ne ressort pas de la conscience pratique, tout ce qui est l’objet de la théorie, théorie dans le sens le plus général, dans le sens de la contemplation objective, de l’expérience, de la raison, de la science, que tout cela, dis-je, est placé par elle en dehors de l’homme et de la nature dans un être particulier et personnel. Tout le bien qui arrive à l’homme sans qu’il l’ait d’abord voulu, qui ne dépend pas d’une préméditation, d’un dessein, vient de Dieu. Tout le