Page:Feuerbach - Essence du Christianisme, 1864.pdf/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XIV
PRÉFACE

cela même de se représenter cette vraie essence comme un être à part, et qu’ainsi tous les attributs qu’elle accorde à Dieu ou au verbe divin ne font que définir et révéler l’essence véritable de l’homme et de la parole humaine. Pour que l’on pût me reprocher de faire de la religion un rien, un fantôme, il faudrait que l’objet que j’assigne comme son contenu réel, c’est-à-dire l’homme, l’anthropologie fussent aussi un rien, une illusion pure ; mais bien loin de donner à l’anthropologie une importance secondaire, je l’élève jusqu’à la théologie en abaissant celle-ci jusqu’à elle, de même que le Christianisme, en abaissant Dieu jusqu’à l’homme, a fait de l’homme un Dieu, un Dieu, il est vrai, transcendant et fantastique. Je prends donc, on le voit aisément, le mot anthropologie dans un sens que ne lui ont donné ni la philosophie de Hegel, ni la philosophie du passé en général, c’est-à-dire dans un sens infiniment plus élevé et universel.

La religion est le rêve de l’esprit humain. Mais même dans le rêve, ce n’est pas dans le néant ou dans le ciel, c’est sur la terre que nous nous trouvons, dans l’empire de la réalité ; seulement, au lieu de voir les choses à la lumière de la réalité et de la nécessité, nous les voyons dans le reflet charmant de l’imagination et de l’arbitraire. Mon procédé à l’égard de la religion et en même temps à l’égard de la philosophie spéculative ou théologie consiste donc tout simplement à leur ouvrir les yeux, ou plutôt à diriger vers le dehors leurs regards sans cesse tournés en dedans ; je transforme l’ob-