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XV
PRÉFACE

jet tel qu’il est dans l’imagination, en l’objet tel qu’il est dans la réalité.

Pour ce temps-ci, il est vrai, qui préfère l’image à la chose, la copie à l’original, la représentation à la réalité, l’apparence à l’être, cette transformation est une ruine absolue ou du moins une profanation impie, parce qu’elle enlève toute illusion. Sainte est pour lui l’illusion et profane la vérité. On peut même dire qu’à ses yeux la sainteté grandit à mesure que la vérité diminue et que l’illusion augmente ; de sorte que le plus haut degré de l’illusion est pour lui le plus haut degré de la sainteté. Depuis longtemps la religion a disparu et sa place est occupée par son apparence, son masque, c’est à-dire par l’Église, même chez les protestants, pour faire croire au moins à la foule ignorante et incapable de juger que la foi chrétienne existe encore, parce qu’aujourd’hui comme il y a mille ans les temples sont encore debout, parce qu’aujourd’hui comme autrefois les signes extérieurs de la croyance sont encore en honneur et en vogue. Ce qui n’a plus d’existence dans la foi, − et la foi du monde moderne, comme cela a été prouvé à satiété par moi et par d’autres, n’est qu’une foi apparente, indécise, qui ne croit pas ce qu’elle se figure croire ; − ce qui n’existe plus dans la foi, doit, on le veut à toute force, exister dans l’opinion ; ce qui en vérité et par soi-même n’est plus saint doit au moins le paraître encore. De là l’indignation en apparence religieuse qu’a soulevée mon analyse des sacrements. Mais qu’on n’exige pas d’un écrivain qui se propose