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essence du christianisme

l’infini ; elle est par conséquent et ne peut pas être autre chose que la conscience qu’a l’homme, non pas de la limitation, mais bien de l’intimité de son être. Un être réellement fini, borné, n’a pas le pressentiment le plus éloigné, et, à plus forte raison, ne peut avoir la conscience d’un être infini ; car la borne de l’être est aussi la borne de la conscience. La chenille, dont une espèce de plante déterminée renferme l’être et la vie. ne dépasse pas dans sa connaissance ce cercle si étroit ; elle distingue bien cette plante d’une autre plante, mais elle ne va pas au delà. Une conscience si bornée que sa limitation rend infaillible se nomme instinct. Conscience dans le sens propre et conscience de l’infini sont inséparables. La conscience de l’infini n’est pas autre chose que la conscience de l’infinité de la con science, ou bien : quand l’homme a conscience de l’infini, c’est l’infinité de sa propre nature qui est l’objet de sa pensée.

Mais quelle est cette essence de l’homme que la conscience lui révèle, ou bien qu’est-ce qui constitue dans l’homme l’espèce, la véritable humanité ? c’est la raison, la volonté, le cœur. Dans un homme accompli doivent se trouver réunies la force de la pensée, la force de la volonté, la force du cœur. La force de la pensée est la lumière de la connaissance, la force de la volonté l’énergie du caractère, la force du cœur l’amour. Raison, amour, volonté, voilà les perfections, les forces les plus hautes, l’être absolu de l’homme dans l’homme et le but de son existence. L’homme existe pour connaître, pour aimer, pour vouloir. Mais quel est le but de la raison ? la raison ; de l’amour ? l’amour ; de la volonté ? la liberté. Nous connaissons pour connaître,