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essence du christianisme

un plus sublime[1]. Chaque être s’aime et doit s’aimer. Exister est un bien. « Tout, dit Bacon, tout ce qui est digne d’exister est aussi digne d’être connu. » Tout ce qui a de la valeur est un être de distinction ; c’est pourquoi cet être s’aime, se soutient, s’affirme lui-même. Mais la forme la plus élevée de l’affirma tion de soi-même, la forme qui en elle-même est une distinction, une perfection, un bonheur, c’est la conscience.

Toute limitation de la raison ou en général de la nature de l’homme repose sur une illusion, une erreur. L’individu humain peut, à la vérité, — et c’est en cela qu’il se distingue de l’animal, — se sentir et se reconnaître comme borné ; mais cela provient uniquement de ce que, soit par le sentiment, soit par la pensée, il a l’idée de la perfection et de l’infinité de son espèce. S’il impose les bornes de son être à l’espèce elle même, c’est qu’il se croit un avec elle, c’est qu’ainsi il est le jouet d’une illusion, illusion d’ailleurs profondément d’accord avec la paresse, la vanité et l’égoïsme de l’homme. En effet, une limitation que je ne puis attribuer qu’à moi-même, me fait honte et m’inquiète, et pour me délivrer de cette honte et de cette inquiétude, je fais des bornes de mon individualité les bornes

  1. « L’homme est ce qu’il y a de plus beau pour l’homme Cicéron, De mat. D., l. I), et ce n’est point là une preuve de la limitation de sa nature, car il trouve aussi de la beauté dans les autres êtres en dehors de lui. Il se réjouit de la beauté des animaux, des plantes, de la magnificence de la nature en général. Mais il n’y a que, la forme parfaite, absolument belle, qui puisse voir sans jalousie celle des autres êtres et se réjouir « le leur perfection. »