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essence du christianisme

L’objet sensible existe en dehors de l’homme, l’objet religieux est au contraire en lui ; c’est un objet intérieur qui l’abandonne aussi peu que sa conscience même ; c’est l’objet le plus proche, le plus intime. « Dieu, dit saint Augustin, nous est plus proche, plus parent, et par conséquent plus facile à connaître que les choses extérieures. » L’objet des sens est en soi indifférent, indépendant de nos intentions et de notre faculté de juger ; l’objet de la religion est un objet choisi ; c’est le premier, le plus élevé de tous les êtres ; il suppose nécessairement un jugement critique, une distinction, faite d’avance entre ce qui est divin et ce qui ne l’est pas, entre ce qui mérite d’être adoré et ce qui ne mérite pas de l’être. Aussi c’est ici que s’applique sans limitation aucune cette assertion : L’objet de la pensée de l’homme n’est pas autre chose que son être même révélé, manifesté, devenu pour l’homme un objet réel. Telle est la pensée de l’homme, telle est sa manière de voir, tel est son Dieu. Autant de valeur a l’homme, autant et pas davantage en a son Dieu. La conscience que l’homme a de Dieu est la conscience qu’il a de lui-même, sa connaissance de l’être suprême est la connaissance qu’il a de son propre être. D’après son Dieu tu jugeras l’homme, et réciproquement d’après l’homme son Dieu. Dieu est la révélation de l’homme intérieur ; il ne fait qu’exprimer son essence ; la religion dévoile avec pompe les trésors cachés de la nature de l’homme ; elle est l’aveu de ses pensées intimes, elle est la révélation publique des secrets, des mystères de son amour.

D’après ce que nous venons de dire, il ne faudrait pas croire que l’homme sait directement que la con-