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essence du christianisme

nature comme un objet quelconque, le penseur peut le faire et aucun de ses secrets ne lui échappe. Et notre tâche, est précisément de prouver que la distinction entre ce qui est humain et ce qui est divin n’est qu’illusoire, qu’elle n’est pas autre chose que la distinction entre l’essence de l’humanité, entre la nature humaine et l’individu, que par conséquent l’objet et la doctrine du Christianisme sont humains et rien de plus.

La religion, du moins la religion chrétienne est l’ensemble des rapports de l’homme avec lui-même, mais comme si ce lui-même était un être différent du sien. — L’être divin n’est pas autre chose que l’être de l’homme délivré des liens et des bornes de l’individu, c’est-à-dire des liens du corps, de la réalité, que cet être “objectivé”, c’est-à-dire contemplé et adoré comme un être à part. Toutes les déterminations de l’essence divine sont par conséquent des déterminations de l’essence humaine.

Pour ce qui regarde les attributs, c’est-à-dire les qualités, les déterminations de Dieu, on accorde cela sans façon, mais pas du tout pour ce qui regarde le sujet, c’est-à-dire l’être qui sert de fondement, de substance à ces attributs. Quiconque nie le sujet est déclaré impie, athée ; les attributs, on peut les nier sans passer pour tel. Mais ce qui n’a aucune qualité, aucun attribut ne peut avoir sur nous aucune influence, et ce qui n’a aucune influence n’a pour nous aucune existence. Supprimer les attributs c’est supprimer l’être lui-même. Par conséquent, là où l’homme écarte de Dieu toute détermination, là Dieu est pour lui un être négatif, c’est-à-dire rien. Pour l’homme vraiment religieux Dieu n’est pas un être indéfini, indéterminé, c’est un être