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essence du christianisme

essentielle de voir les choses ; au contraire, il est animé et gouverné par elle. Ainsi tombe la nécessité d’une preuve, d’un moyen terme entre la qualité et l’existence ; ainsi tombe même la possibilité du doute. Je ne puis douter que de ce que je sépare, ou de ce qui est séparé de mon être. Douter d’un Dieu qui est mon propre être, ce serait douter de moi-même. Ce n’est que là où Dieu est pensé d’une manière abstraite, là où ses attributs sont le résultat de l’abstraction philosophique, qu’on regarde le sujet comme indubitable, nécessaire, et l’attribut comme douteux, incertain. Un Dieu qui n’a que des attributs abstraits n’a aussi qu’une existence abstraite ; l’existence est aussi diverse que les attributs le sont.

L’identité du sujet et de l’attribut se montre de la manière la plus claire dans la marche du développement de la religion, qui est la même que la marche du développement de l’humanité. Tant que l’homme est purement et simplement homme de nature, son Dieu n’est aussi qu’un Dieu purement naturel. Là où l’homme s’enferme dans des maisons, là il enferme aussi ses dieux dans des temples. Le temple n’est qu’un témoignage de la valeur que l’homme attache à de beaux monuments. Les temples en l’honneur de la religion ne sont en vérité que des temples en l’honneur de l’architecture. Lorsque l’homme s’élève de l’état de barbarie à l’état de civilisation, lorsqu’il est capable de faire une distinction entre ce qui convient à l’homme et ce qui ne lui convient pas, alors aussi se produit la distinction entre ce qui convient à Dieu et ce qui ne lui convient pas. Dieu est l’idée de la majesté, de la plus sublime dignité ; le sentiment religieux est le sen-